que reste t-il à faire pour que les hommes et les femmes soient égaux
. inégalités devant et dans le chômage : quel que soit l’âge et le niveau de formation, le taux de chômage des femmes est supérieur à celui des hommes (13,6 contre 10,2%). Contrairement aux hommes, avoir un ou deux enfants augmente pour les femmes la probabilité d’être au chômage ;
. inégalités dans le sous emploi : les femmes sont plus souvent employées que les hommes sur des formes particulières d’emploi (contrats à durée déterminée, stages, emplois aidés, emplois à temps partiel contraint…) Elles présentent également une moins grande récurrence dans l’emploi stable.
concentration des femmes dans certains secteurs d’activité : l’emploi féminin est concentré dans quelques secteurs (employées des entreprises et de la fonction publique, services aux particuliers, ouvrières non qualifiées, infirmières, institutrices…). Les six catégories socioprofessionnelles les plus féminisées concentrent 61% de l’emploi féminin.
. persistance des différences de salaires toutes choses égales par ailleurs : les femmes sont surreprésentées au bas de la hirarchie des salaires. Les écarts entre salaires féminins et masculins à capital humain identiques continuent de se situer autour de 20%. A diplôme, expérience professionnelle identiques et à même qualification, les hommes ont toujours un salaire supérieur de 13% aux femmes.
. existence d’un " plafond de verre " : les femmes n’accèdent pas comme les hommes aux différentes prositions profesionnelles, à formation identique : la possibilité d’occuper un emploi de cadre est systématiquement plus faible pour les femmes à diplôme identique et expérience égale.
. prédominance dans le temps partiel : les femmes représentent 85% des emplois à temps partiel qui se sont considérablement développés ces dernières années. 30% des femmes travaillent à temps partiel. Environ 40% de ces femmes souhaiteraient travailler davantage (temps partiel subi).
.prise en charge par les femmes de la plus grande partie des activités domestiques et familiales (80% d’après l’enquête budget-temps 1998-1999), donnant lieu à ce que l’on appelle classiquement la double journée.
TRAVAIL ET EMPLOI DES FEMMES
Margaret Maruani:
Si la continuité de la vie professionnelle des femmes s’inscrit aujourd’hui comme une norme
sociale dominante, ce qui n’en supprime pas pour autant les inégalités de l’emploi liées au sexe, il s’avère
aujourd’hui que de nouvelles modalités de disparités sont nées, la création de noyaux durs de sur chômage
et de sous-emploi féminin solidement installés au côté des formes d’inégalités déjà existantes (écarts de
salaires, ségrégations).
Ainsi, le travail et l’emploi des femmes se caractérise en comparaison avec le travail masculin, et il
s’analyse selon les différences et inégalités, puisqu’ effectivement la féminisation existe, mais ne signifie pas
égalité. La volonté de travail des femmes et son histoire peut alors être expliquée par la volonté des
femmes de s’affirmer, de réduire ces inégalités. Voilà le moteur du travail féminin, qui passe
nécessairement par une construction sociale pour progresser.
Or, depuis les années soixante, et la montée du salariat y compris chez les femmes, des mutations
profondes sont perceptibles au niveau de l’activité, le travail, le chômage et le sous-emploi, et les étudier
permet largement de cerner la place des femmes dans l’histoire des sociétés.
-
La progression de l’activité féminine : une tendance constante et résistante.
En Europe, alors que l’emploi masculin stagne, la féminisation s’impose, même en période de
chômage et de pénurie d’emploi ; tandis qu’il y a 20 ans, on s’attendait à ce que la crise chasse les femmes
du monde du travail. Le contraire s’est produit, surtout durant les deux dernières décennies, laissant l’idée
des femmes comme « armée de réserve ».
Les chiffres sont significatifs :
- Pour l’Europe : en 1960, 30 % de la PA sont des femmes, en 1996, 42.5 %. Trois
groupes de pays se distinguent : Finlande, France, Danemark, Portugal et Suède sont des pays dans
lesquels entre 45 et 48 % de la PA est féminine ; Allemagne, Autriche, Royaume uni, Belgique et Pays-Bas
ont entre 41 et 44 % d’actifs féminins ; Italie, Irlande, Luxembourg, Grèce et Espagne ont entre 36 et 38
% de femmes pour actifs.
Si l’emploi des femmes dans l’Europe des 12 est passé de 40 à 53 Millions entre 65 et 91, alors
que l’emploi masculin a diminué de 83 à 82 millions sur la même période. C’est donc aux femmes que l’on
doit l’essentiel de la croissance de l’emploi en Europe.
- En France, la féminisation s’ »est faite de manière soutenue et rapide : en 1962, 6.6
Millions de femmes et 13.2 Millions d’hommes étaient actifs, en 1998, 11.7 millions de femmes et 14.1
millions d’hommes le sont. Mais, à la différence des pays scandinaves, l’afflux des femmes sur le marché d
travail s’est fait à temps plein, la crise n’ayant pas empêché ce mouvement.
On peut ici parler d’un changement de mentalités, de l’émergence de nouveaux mouvements socioculturels
: les femmes s’accrochent plus à leur travail et veulent une carrière, une indépendance
économique, etc…. Cela est manifestement corrélé au mouvement de libération de la fin des années 60.
ce »s phénomènes sont concomitants.
-
Féminisation et tertiarisation du salariat : une mutation structurelle.
Entre 1950 et 1990, la part des emplois tertiaires est passée de 40 à 70 %. Et chez les femmes, cela est
d’autant plus marqué : en 1955, 49 % des actives travaillent dans le tertiaire, en 1996, 82 %, pour la France.
2
Cela car les professions « traditionnellement féminines » s’y retrouvent. Or, le tertiaire, même pendant
les années de crise, est resté le seul secteur créateur d’emplois. En parallèle, la progression du salariat suit
la croissance de l’emploi féminin. Entre 1962 et 1982, l’emploi salarié masculin a crû de 16 %, l’emploi
salarié féminin de 57 %. Depuis 1975, les femmes sont p^lus salariées que les hommes. Dans l’Europe des
15, 80 % des hommes le sont contre 87 % des femmes.
Pour les hommes, la salarisation signifie un changement de statut professionnel, alors que pour les
femmes, il s’agit d’un changement de statut social : puisqu’elle signifie autonomie professionnelle et
familiale. Leur rapport à l’emploi évolue alors.
-
Les transformations des comportements d’activité : un basculement des normes sociales
Les femmes en âge de travailler constituent alors l’élément dynamique de la population active.
Alors que jusqu’aux années 60, les femmes s’arrêtaient de travailler entre 25 et 49 ans, elles continuent
aujourd’hui de travailler. Pour cette tranche d’âge, 42 % des femmes continuaient à travailler en 1962, en
1998, elles demeurent 79 %. Il est désormais considéré normal de travailler, il est clair qu’il y a eu un
basculement des normes sociales de l’activité féminine ; les femmes s’arrêtent plus fréquemment de
travailler à partir du troisième enfant (49.6 % de femmes actives et ayant 3 enfants et plus).
Il faut ajouter que selon les pays et leurs tendances à des normes conservatrices ou non, les
femmes s’arrêtent ou non de travailler, mais néanmoins on constate partout en Europe une double
homogénéisation :
- Homogénéisation des comportements d’activités masculins et féminins : de plus en plus de
femmes ont, comme les hommes, des trajectoires professionnelles continues, qui ne
s’interrompent pas lors des maternités.
- Homogénéisation entre les femmes des différents pays d’Europe, même si le temps pris pour
cette féminisation diverge.
-
Les scolarités féminines : une percée décisive, mais inachevée
La féminisation du marché du travail ne peut se comprendre que si l’on regarde le système
scolaire ;Partout en Europe, le niveau général de formation des femmes augmente, au point de dépasser
parfois celui des hommes. Si, en 1962, 88 % des hommes ont un niveau de diplôme supérieur au bac,
contre 85 % en 1990, ce taux passe de 64 à 79 % pour les femmes.
Cette mutation est double : à l’école, les filles sont plus nombreuses que les garçons et yè
réussissent mieux, mais s’orientent différemment : plus de filles, dans les domaines des sciences humaines
et des lettres, alors que les garçons sont plus nombreux dans les filières techniques et scientifiques.
(ségrégation horizontale). Cela peut s’expliquer par les normes sociales : l’accès à une filière scientifique
signifie l’entrée dans une compétition scolaire, à laquelle les filles répugnent. Le maintien des différences
entre las carrières menées par les filles et les garçons peut s’expliquer, selon Marie Duru-Bellat, parce que
les filles ne font que se couler dans le moule des stéréotypes conservateurs.
La réussite scolaire des femmes semble contradictoire avec la valeur du diplôme. En effet, si le
taux de chômage des femmes ayant un diplôme supérieur est de 12.7 %, contre 11.8 pour les hommes,
l’absence de diplôme est bien plus pénalisante pour les femmes.
Ainsi, les femmes sont plus diplômées que les hommes, mais leur réussite professionnelle est
moindre ; et, s’il y a mixité dans les écoles, de façon récente, il n’y a pas égalité : seulement 8 % de
polytechniciennes par exemple.
La mixité semble alors considérée comme un alignement du féminin sur le masculin. Nicole
Mosconi s’interroge : « Peut-on affirmer que la mixité scolaire est une institution masculiniste ? »
En dépit de la féminisation du salariat, de la progression de la scolarité des femmes et de
l’homogénéisation comportementales, les inégalités professionnelles les plus traditionnelles ne se voient
pas réduites, et de nouvelles ségrégations apparaissent, malgré les lois et les droits des femmes relatifs au
monde du travail.
-
Le droit à l’égalité professionnelle.
Le droit des femmes au travail a largement progressé depuis le début du siècle. A l’idée de
protection (les femmes étant considérées comme fragiles « faible, fragile, ne pouva,nt travailler la nuit, et
surtout potentiellement enceinte » (Laufer, 1984), a succédé l’idée d’égalité.
En 1907, les femmes mariées ont le droit de disposer librement de leurs salaires, en 1920,
d’adhérer à un syndicat sans autorisation maritale. Autonomie. En 1965, elles obtiennent le droit d’exercer
une activité professionnelle sans le consentement de leur mari.
Plus tardive, l’idée d’égalité et de non-discrimination entre hommes et femmes surgit en 1946,
dans le préambule de la constitution : « la loi garantit à la femme dans tous les domaines des droits égaux à
ceux de l’homme » ; puis la loi du 22/12/1972 garantit l’égalité de rémunération pour des travaux de
valeurs égales ; la loi du 04/07/1975 interdit à l’employeur la rédaction de contrat de travail sexiste.
Néanmoins, l’inefficacité de ces lois est évidente, car la discrimination est presque invisible : comment
évaluer et mesurer des rapports sociaux ?
La loi Roudy, du 13/07/1983, sur l’égalité professionnelle entre hommes et femmes marque un
changement : on passe d’un principe négatif de non-discrimination à un principe positif d’égalité en terme
de droits. Néanmoins, son application ne montre pas de brillants résultats, et en 1989, seules 43 % des
entreprises françaises reconnaissent appliquer l’égalité des situations pour les hommes et les femmes des
sociétés ; d’autant que l’employeur demeure libre de ses choix. En d’autres termes, la loi n’empêche pas les
employeurs d’avoir leur avis sur la personne à embaucher.
-
Non-mixité, ségrégation, bipolarisation
La parité est là, mais elle ne rime ni avec égalité, ni avec mixité. En effet, sur les 31 CSP de
l’INSEE, les six catégories les plus féminisées représentent 61 % de l’emploi féminin aujourd’hui, contre
52 % en 1983, il s’agit de métiers salariaux ( employées de la fonction publique, des entreprises, du
commerce, des PSDAP, instituteurs, professions intermédiaires de la santé, qui regroupent plus de 6
Millions de femmes. Et cette structure est immobile.
Cet immobilisme est paradoxal, puisque, si la majorité des emplois féminins reste concentrée dans
quelques secteurs et métiers, les possibilités pour elles d’accéder à de hauts postes à responsabilité dans
des professions sont moindres. (Ségrégation verticale). La démocratisation du travail à temps partiel peut
en être un facteur explicatif, notamment dans le secteur des services, où 4 femmes sur 5 y travaillent,
contre 2 hommes sur 5. En 1995, dans l’UE, 53 % des femmes travaillent dans 5 secteurs : 16 % dans la
santé et les services sociaux, 13 % dans le commercez de détail, 10.5 % dans l’éducation, 7.5 % dans
l’administration publique, et le reste dans les services aux entreprises ; tandis que seuls 35 % des hommes
travaillent dans le tertiaire. D’ailleurs, l’enseignement primaire est une quasi-exclusivité des femmes : le
taux de féminisation des enseignants en classes maternelles varie entre 94 et 10 % ; dans l’enseignement
secondaire, les femmes représentent la moitié des professeurs, dans l’enseignement supérieur, les hommes
dominent.
Toutefois, féminisation de rime aujourd’hui plus nécessairement avec dévalorisation, si l’on
considère la croissance du nombre de femmes dans des professions qui demeurent prestigieuses :
magistrates, avocates, journalistes, médecins, etc…
Mais l’égalité ne ressort pas : 34 % des cadres et professions intellectuelles supérieures sont des
femmes alors qu’elles sont plus diplômées. Cette inégalité diminue : en 1962, 1/6 de cette CSP étaient des
femmes, en 1982, elles étaient ¼, aujourd’hui 1/3. La progression du nombre de cadres est donc
indiscutable, mais leurs chances d’accéder à des fonctions vraiment élevées dans l’entreprise demeurent
indubitablement moindres que celles de hommes. C’est ainsi qu’une partie des femmes récupère sur le
marché du travail l’investissement réussi dans le système de formation, alors que la majorité d’entre elles se
trouve massée dans le salariat d’exécution. Entre femmes-même, l’écart se creuse donc.
-
La construction sociale des différences entre travail féminin et travail masculin.
Madeleine Guilbert analyse le processus par lequel se construit la négation des qualifications
féminines. Les employeurs, explique-t-elle, utilisent dans l’univers de la production industrielle des
compétences que les femmes ont acquises dans la sphère familiale par le travail domestique. C’est parce
que les femmes ont la capacité d’effectuer plusieurs tâches à la fois qu’elles ont de la dextérité, de la
rapidité et de la minutie, qu’on les embauche pour des travaux parcellisés et répétitifs.
C’est ainsi que le marché du travail et l’entreprise sont eux-même producteurs d’inégalités.
L’exemple est celui de la rédaction d’un journal : le Clavier enchaîné, dans lequel avait éclaté le
18/10/1983 un conflit pour l’égalité des s alaires, qui en fait portait sur la définition même du
travail : pour un temps de travail équivalent les dactylos (femmes), tapent et corrigent pour des salaires
largement inférieures que les typos (ouvriers masculins), eux ont le droit à 10 minutes de pause par heure ;
elles, à 20 minutes par jour. En bref, elles sont commandées et contrôlées, eux pas. Il s’agit là d’une
différence notoire de statut évident, pour un travail quasi-similaire.
Et cette discrimination est quotidienne. En fait, il s’est créé des emplois féminins là où auparavant
il n’y avait de place que pour les hommes, mais d’un autre côté, les femmes restent au second plan : la
qualification devient une construction sociale sexuée. Au niveau européen, les écarts de salaires
s’échelonnent entre 10 et 32 %. En effet, à niveau de formation, CSP, âge, expériences égaux, les écarts de
salaires selon le sexe demeure ; En France, uil se situe entre 10 et 15 %. De là vient la non-mixité des
emplois, et la ségrégation horizontale qui s’y rattache. On s’aperçoit ainsi que les écarts de salaires sont
plus faibles dans les pays où existent des régulations étatiques fortes : salaires minima et conventions
collectives. A l’inverse, on remarque de fortes disparités là où seule l’entreprise détermine ses employés.
On constate ainsi chez les femmes une progression des bas salaires, dûes à ces écarts de salaires dans les
professions où le revenu masculin est faible.
III Le chômage et ses frontières.
Sur le marché du travail, les disparités entre les hommes et les femmes ne se limitent pas aux
inégalités professionnelles , à celles qui touchent le travail, mais aussi à celles des situations d’emplois, c’est
à dire par exemple les modalités d’accès et de retrait du marché du travai. Dans ce cadre, le surchômage
féminin est au premier plan : pour l’ensemble de l’UE, le taux de chômage s’élève à 9.8 % pour les
hommes contre 12.4 % pour les femmes.
-
Inégalités.
Les femmes représentent moins de la moitié de la PA (45 %), etb pourtant représentent plus de la
moitié des chômeurs (51 %). Lorsque l’on dit que près de 12 % des français sont au chômage, il faut
immédiatement ajouter que ce taux se décompose en 10 % pour les hommes et 14 % pour les femmes. Et
ceci varie selon les pays. Dans les pays d’Europe du sud comme la Grèce, les jeunes femmes sont deux
fois plus au chômage que les jeunes hommes. En Espagne et en Italie, l’écart entre les chômages féminin
et masculin est de l’ordre de 10 points.
Et cela diffère selon les CSP. Par exemple, 4 % des hommes cadres sont chômeurs , contre 15 %
des employées, et 20 % des ouvrières. Le sexe, la nationalité, et l’êge sont aussi des éléments d’inégalité
face au chômage. Ce sont les jeunes, étrangers, de moins de 25 ans, qui sont le plus touchés par le
chômage : 37 % pour les jeunes étrangers, 42 % pour les jeunes étrangères.
-
Incertitudes.
Il est clair qu’avoir un emploi, ce n’est pas seulement être actif, c’est aussi avoir un salaire, un
statut dans la société, une position dans la famille, une identité sociale. De ce point de vue, le surchômage
féminin nous indique les difficultés des femmes à prendre place dans une soc iété où le fait d’avoir un
emploi est dominant.
Les cas espagnol et anglais.
En Espagne, où la croissance de l’activité féminine a été relativement tardive, l’entrée des femmes
sur la marché du travail s’est faite par le chômage. Pour Teresa Torns, depuis 1985, près de 50% de
l’entrée des femmes sur le marché du travail sont passés par le chômage, un chômage très inégalitaire : le
taux de chômage de femmes diplômées de l’enseignement supérieur est de 21.9 %, alors que celui des
hommes analphabètes est de 22.8 % en 1998.
En Angleterre, les taux de chômage féminins sont relativement bas. Les femmes trouvent en effet,
plus facilement des emplois à temps partiel peu rémunérateurs (45 % des actives travaillent à temps
partiel). Le rôle du chef de famille, très conservé, pousse également les femmes vers l’inactivité, d’autant
que les femmes dont les ressources du mari sont élevées ne peuvent être comptabilisées comme
chômeuses. Ainsi, 90 % des chômeurs hommes voulant un emploi sont inscrits au chômage contre 40 %
des femmes de la même situation.
A l’échelle européenne, la durée du chômage est plus importante pour les femmes que pour les
hommes : 2.3 % d’entre elles sont concernées par le chômage de longue durée contre 1.7 % des hommes.
(1996). De même, en matière d’indemnisation, de fortes inégalités entre les sexes et les pays existent et
persistent. A l’exception de la Belgique et du Danemark, les femmes au chômage sont partout moins
indemnisées que les hommes. Dans l’Europe des 15, une chômeur sur deux est indemnisé, une chômeuse
sur trois l’est. Ces différences sont particulièrement fortes en Irlande, au Royaume Uni, aux Pays bas, en
Espagne et au Luxembourg ou le nombre d’hommes indemnisés est le double de celui des femmes.
-
Invisibilités
Etre chômeur, c’est se déclarer comme tel, et être reconnu comme légitime dans cette quête.
Ainsi, si les femmes n’avaient pas le droit de travailler, le chômage n’existerait pas. C’est le cas de
l’Allemagne nazie, où dès 1933, les lois interdisent le travail des femmes. Ainsi, la notion de chômage n’est
pas l’inverse de l’emploi, mais il est l’envers du droit à l’emploi. Le tout repose en fait sur l’idée du librechoix
des femmes de travailler ou non. Alors que dans les constitutions de 1948 et 1956, « chacun a le
devoir de travailler, et d’obtenir un emploi ».
Ainsi, les taux de chômage diffèrent selon les critères d’identification des chômeurs. Ainsi, une
ayant perdu son emploi à temps partiel est inactive pendant qu’une française dans la même situation est
chômeuse. De la même façon, une néerlandaise mariée ne percevant plus d’allocations chômage devient
femme au foyer pendant que son homologue danoise est chômeuse de longue durée. La notion de
chômage même peut ainsi être contredite, puisqu’une mère de famille de 5 enfants, au foyer, est considéré
comme inactive, alors qu’un chômeur sans travail ni emploi est considéré comme actif.
En France, les trois définitions du chômage (l’INSEE, le BIT, chômage au sens du recensement)
marquent des écarts de chiffres. Ainsi, en 1990, on comptait 2237000 chômeurs au sens du BIT, 2553000
DEFM, et 2733000 chômeurs au sens du recensement. Un écart non négligeable. D’autant que l’écart
entre les différents indicateurs est plus importants pour les femmes (325000), que pour les hommes
(228000).
La frontière entre chômage et inactivité demeure floue. Une femme peut se déclarer et être
considérée comme « femme au foyer », tandis qu’un homme ne peut l’être, l’appellation n’étant opas
reconnue administrativement.
Ainsi, le chômage est victime d’un certain gommage : les seules politiques d’emploi, qui
fonctionnent spécifiquement pour les femmes sont les politiques familiales : visant à concilier mieux les
vies professionnelles et familiales. C’est le droit à l’APE, mis en place en juillet 1994, pour les femmes
ayant deux enfants. Puis en 1996, sans restriction du nombre d’enfants et d’un montant de 2900 francs par
mois, le nombre de bénéficiaires croît brutalement (+65000), alors que le taux d’activité des femmes ayant
un deuxième enfant de moins de 3 ans chute. L s’agit là d’une incitation à l’inactivité, ayant une réelle
influence chez les femmes de milieux modestes, puisque l’APE correspond à un peu plus du SMIC à
temps partiel, qui permet de gommer le chômage, qui n’en et plus puisqu’est devenu de l’inactivité.
Conséquences du chômage, le sous-emploi et la précarité ont considérablement augmenté depuis
le début des années 80. Car le chômage, c’est un moyen de pression sur les conditions de travail et
d’emploi des travailleurs : c’est au nom du chômage que l’on rejette certaines catégories de salarié(e)s vers
l’inactivité contrainte, que les salaires baissent… Chez les femmes, ces formes de précarité, apparues dès le
milieu des années 70 (travail intérimaire, CDD, Stages….) sont fréquents.
-
Configurations européennes
Tantôt subi, tantôt choisi, le travail à temps partiel est un phénomène multiforme, contrasté et
diversifié. Il occupe 2/3 des actives aux Pays-Bas et moins d’1/10 en Grèce. Le temps partiel est donc très
féminisé. Dans l’Europe des 15, en 1996, 32 % des femmes travaillent à temps partiel contre 6 % des
hommes. Le taux de féminisation du temps partiel est de 81 %. Notamment dans l’Europe du Nord : 69
% des actives aux Pays-bas travaillent à temps partiel, 45 % au Royaume-Uni, 42 % en Suède, 35 % au
Danemark, 34 % en Allemagne ; à l’extrémité, en Grèce, 9 %, en Italie et au Portugal, 13 %.
Entre 1989 et 1996, l’emploi salarié a crû de 470500, ce gain se décomposant en 40000 emplois à
temps plein, et plus de 510000 emplois à temps partiel.
Toutefois, la précarité issue de l’emploi temporaire se conjugue de plus en plus souvent avec celle
liée au travail à temps partiel. Sur l’ensemble de l’UE, 38 % des femmes er 16 mù de hommes cumulent
travail temporaire et emploi à temps partiel. Et dans la plupart des pays de l’Europe des 15, ce sont les
femmes âgées de plus de 50 ans qui connaissent les plus forts taux de travail à temps partiel. Peut-on
toujours de façon légitime affirmer que le travil à temp s partiel est le choix de mieux combiner vie
professionnelle et familiale ? sans oublier que le temps partiel est souvent fruit de la décision de
l’employeur !
D’ailleurs, la notion même de temps partiel est contestable en effet, qu’y a-t-il de commun entre
les 42 % de suédoises et les 45 % d’anglaises qui travaillent à temps partiel ? Carle temps partiel suédois est
régulé tandis que le britannique ne l’est pas. De même, si 35 % de danoises et 30 % de françaises sont
dans cette situation, cela n’est pas significatif : en France, c’est le mode de travail qui, depuis les années 80,
a fait régresser la participation féminine à l’activité économique en recréant des zones d’emploi
« spécifiquement féminines ».
-
L’exception française
En 1980, 1.5 millions d’actifs travaillaient à temps partiel contre près de 4 Millions aujourd’hui ;
et, si le taux d’activité féminin sur cette période est passé de 39.2 % à 48.1 %, le développement du temps
partiel féminin s’est aussi accru, passant de 16.4 % à 30.9 %.
Et ce grâce aux droits au temps partiel. Les lois du 19/06/1970 et du 27/12/1973 autorisent le
temps partiel dans des cas restreints respectivement pour la fonction publique et le secteur privé, mais il
faut attendre les lois du 23/12/1980 et du 28/01/1981 pour la reconnaissance juridique de ces droits.
Néanmoins, ce travail à temps partiel touche majoritairement les jeunes qui entrent sur le marché du
travail (moins de 25 ans), et les plus de 50 ans qui en sortent. Ce qui semble contredire l’idée de « choix »
du temps partiel.
-
La question du choix
Le temps partiel semble bien plus souvent imposé au moment de l’embauche. Ainsi, ce mode de
travail semble être une fausse alternative. Nathalie Cattanéo montre comment la pression sur les rythmes
et horaires de travail des infirmières les incitent à opter pour le temps partiel. Ce serait une façon de se
réinvestir dans son métier en maîtrisant mieux son temps, et donc ses conditions de travail. Toutefois,
Sophie Audric et Gérard Forgeot estiment que « C’est à défaut de trouver mieux qu’un nombre croissant
de chômeurs acceptent d’occuper un emploi à temps partiel » ; afin de ne pas rester sans emploi.
C’est ainsi que pour bien des emplois pas ou peu qualifiés, on embauche presque toujours à temps
partiel pour ensuite, éventuellement transformer le contrat en un temps plein. Il y aurait donc comme un
chantage au licenciement, particulièrement dans le secteur privé.
-
Un emploi a-normal
Le BIT définit le temps partiel comme « un emploi salarié réguluier dont la durée est sensiblement
plus courte que la durée normale en vigueur dans l’établissement dont il s’agit » ; tandis que l’UE le
conçoit comme « un horaire inférieur à l’horaire légal, conventionnel ou usuel », pour l’OCDE, le temps
partiel ne concerne que les personnes travaillant moins de trente heures par semaine. Les définitions sont
donc variables, mais se recoupent par un écart à la norme, au même titre que d’autres types de travail
réduits.
Ainsi, les préretraites progressives et le travail à TP son traités de maniè res différentes, alors que
dans les deux cas il s’agit d’une RTT assortie à une baisse de salaire. Les statuts sociaux qui y sont associés
sont eux aussi différents. Le travail à TP est payé 57.5 % du temps plein, pendant que les préretraites à mi -
temps sont rémunérées à 68 % du temps plein.
La conception du travail à TP hommes / femmes diffère : il y a le temps plein des hommes avec
un chômage partiel éventuel, alors qu’il y a travail à TP pour les femmes, avec heures supplémentaires si
nécessaires. Soit un partage sexué de l’emploi.
Se pose le problème des RTT. Le passage aux 35 heures va-t-il réduire ou accroître l’écart entre
salariés à temps plein et ceux à temps partiel ?Ceux à temps plein travailleront-ils 35heures, payées à 39
pendant que ceux du temps partiel en travailleront 30, payées à 30 ? Si les différences de salaires
s’accentuent, le travail effectif, lui, tend à s’harmoniser entre un travail à temps plein et un travail à temps
partiel.
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Horaires, salaires et qualification : vers le sous-emploi
On constate que lorsque le travail à temps partiel s’établit à l’initiative des salarié(e)s, ce sont eux
(elles) qui choisissent les horaires de travail, alors que dans les cas contraires, les horaires sont imposés.
Ainsi, par exemple, plus les caissières ont un nombre d’heures de travail restreint au départ, plus elles sont
enclines à accepter des heures supplémentaires attribuées au jour le jour, et de manière désordonnée ; leur
travail nécessitant alors une « disponibilité permanente ».
D’autant que travailler à temps partiel, c’est être reconnu différemment. Ainsi en est-il notamment
de la qualification : à travail égal, à niveau de formation égal, on n’a pas la même qualification selon qu’on
est employé(e) à temps plein ou à temps partiel. Les cais sières, par exemple, à temps complet, sont classées
en catégorie 6, les même à temps partiel, et avec un CDI, en catégorie 6, et avec un CDD, en catégorie 4.
d’autant qu’ TP, elles sont moins bien payées : D’après Eurostat, en 1997, le salaire horaire des temps
partiel s’établit à 85 %des personnes travaillant à temps plein en Suède, 71 % en France, 69 % en Espagne,
et 60 % au Royaume-Uni.
Enfin, en France, il y a un peu plus de 1.6 Millions de personnes en situation de sous-emploi, dont
1.2 Millions de femmes pour un peu moins de 45000 hommes…
Ainsi l’activité féminine progresse, et est largement corrélée avec tertiarisation et salarisation, mais
aussi avec le chômage massif et sa face cachée, l’inactivité contrainte, le sous emploi… Les inégalités de
sexe perdurent largement, car, si tout évolue, lentement, le système manifestant une certaine sclérose,
comme le dit Christian Baudelot (1995), « rien n’est joué » : en matière d’accès à l’emploi et à l’éducation,
les progrès sont immenses, alors que dans le domaine de l’égalité des salaires et des carrières, l’inégalité est
patente.